Né à Chantilly en 1942, Bernard Dejonghe est spécialisé dans la sculpture des matériaux en fusion. Dès ses premiers travaux à la fin des années 60, il aborde le matériau comme « un support d’expérimentation et de réflexion ». Focus sur un artiste dont l’oeuvre artistique flirte avec la réflexion scientifique.
Formation artistique
Avant de devenir l’un des artistes les plus marquants de ces cinquante dernières années dans le domaine de la céramique et du verre, Bernard Dejonghe a étudié à l’École des métiers de l’art dans les ateliers de Pierre Fouquet notamment. Un enseignement académique qu’il complète avec divers expérimentations. Un savoir qui lui permet d’assurer la liaison entre « la riche céramique des années 50 et la pratique de la terre et du verre qui s’est développée dans les années 70 » dixit David Caméo (Directeur Général de Sèvres – Cité de la Céramique).
Influence et reconnaissance
Considéré par ses pairs comme l’un des artistes ayant poussé le plus loin la quête de la simplification des formes, nombreux sont ceux qui voient en lui l’hériter artistique d’Émile Decoeur, céramiste français décédé en 1953, dont il a rallumé le four au début de sa carrière.
Ayant toujours évolué en marge du circuit traditionnel, l’artiste refuse que « ses oeuvres symbolisent quoi que ce soit ». À contre courant d’une société « où tout doit signifier » Bernard Dejonghe fabrique du vide. Un vide « massif » qui bouscule la cohérence dans des oeuvres et qui renforce toujours plus la sensation de radicalité plastique et de quête de pureté absolue.
Fusion et courbes de cuisson
Spécialiste reconnu de la sculpture des matériaux en fusion, Dejonghe maîtrise le verre comme peu d’artistes en sont capables. À ceux qui contemplent ses oeuvres il révèle la grande pureté du verre et provoque par la cuisson, certains états de matière qu’il livre bruts à la contemplation.
Plus qu’un grand artiste, Dejonghe se rêve géologue et astrophysicien comme son ami Antoine Labeyrie, pour lequel il thermoforme des miroirs de téléscope d’une rare précision. Participer activement à des programmes de recherche scientifique poussés voilà qui illustre bien la profondeur de l’expertise de Bernard Dejonghe en matière de verre massif.
Ses recherches personnelles sur les courbes de cuisson en font presque un scientifique en la matière. Difficile d’ailleurs de le définir en terme artistique. Artiste ? Sculpteur ? Verrier ? Quand on lui demande, l’artiste répond avec humour « Demande t-on à Miles Davis s’il est trompetiste ou musicien ? ».
L’Art, finalement l’intéresse peu, lui qui court derrière la quête très personnelle de la simplicité intemporelle et universelle.
L’atelier, temple de la fusion
Né au Nord de Paris, Bernard Dejonghe vit et travaille désormais près de Nice dans le Sud de la France. C’est dans le petit village de Briançonnet dans l’arrière pays Niçois qu’il a décidé d’installer son incroyable atelier. Installé autour d’un four traditionnel Japonais sur trois niveaux (le joyaux des lieux), l’atelier est également équipé d’un autre four à bois, de deux fours électriques et d’une scie à verre parmi les plus grandes de France. Un équipement complet qui ne laisse aucune place au hasard et à l’imprécision. Assisté d’un ordinateur, l’artiste trace soigneusement les courbes de montée et descente en température de la matière.
Dès le démoulage, les flancs sont frappés au burin sans qu’il y ai le moindre impact sur le verre intérieur. Le polissage peut durer plusieurs heures durant laquelle la matière posée sur la tranche prend forme et se dévoile entre les mains expertes de l’artiste. Sa maîtrise de la dévitrification, technique redouté des verriers, qu’il a étudié pendant de longues années est proche de la perfection. Ce qui ne n’empêche pas de rester modeste : « je ne fais que bricoler dans mon coin » dit-il, « c’est prétentieux de prétendre contrôler la technique. Je ne cherche pas à mettre de l’ordre dans le chaos, plutôt à comprendre les matériaux, leur fusion, les regarder. »
Mi artiste, mi chercheur, B.Dejonghe force le respect
Qu’on soit ou non sensible à son oeuvre, on ne peut que reconnaître l’abnégation et la passion avec laquelle Bernard Dejonghe cherche et trouve. Observateur aguerri de la matière il défend bec et ongles l’investissement dans le matériau et le matériel et considère que les verriers travaillent « comme des kamikazes« . Entêté et solitaire, Bernard Dejonghe n’en reste pas moins un incroyable artiste qui force le respect de par sa vision, sa constance et son abnégation. Trois qualités qui ont fait l’artiste qu’il est devenu et bien plus encore…